Sbarro Vessa Pilcar Carville , 1978

La voiture électrique n'est pas née des dernières considérations écologiques actuelles. Loin de là ! En 1899, La Jamais contente, première voiture à avoir dépassé les 100 km/h, était propulsée par un moteur électrique. Mais la difficulté de stocker l'électricité dans des batteries trop lourdes et souvent peu efficaces et chères a conduit à la marginalisation de la voiture électrique. Ainsi, en 1977, quand fut présentée la Pilcar, l'offre commerciale se réduisait aux voitures de golf et à quelques voiturettes sans grand intérêt. C'est dans ce contexte peu favorable que Sbarro présente la Pilcar, commercialisée sous la marque Vessa, société appartenant à la Société Romande d’Électricité, Clarens, Suisse. Techniquement, la Pilcar n'apporte rien de nouveau, ni de révolutionnaire. Son principal intérêt est d'avoir été commercialisée ! Certes les chiffres de production sont peu élevés, mais non négligeables pour un véhicule venant d'un constructeur artisanal (Sbarro) et d'une marque (Vessa) totalement inconnue. Entre 1977 et 1980, 23 exemplaires seront vendus, auxquels il faut ajouter 5 pick-up construits en 1979-1980.

Une Pilcar dans la circulation urbaine (photographie du dossier de presse de février 1977).

Pilcar ou la voiture électrique tout simplement !

La Pilcar se présente comme une petite voiture de ville, propulsée par un moteur électrique à courant continu (84 volts 8/16 kW, 23 ch DIN), alimentée par 24 batteries Super-Dynac 40 Wh/kg à plaques tubulaires planes, mises au point par Leclanché. L'autonomie s'élève à 100 kilomètres, ce qui constitue une belle performance (Une Citroën Ami de 2023 ne fait pas mieux). La carrosserie en polyester (la spécialité de Franco Sbarro) repose sur un châssis tubulaire. Malheureusement, bien que très compacte, la Pilcar voit son poids alourdi de 500 kg par les batteries. Du coup la petite voiture électrique atteint 920 kg, un poids conséquent pour l'époque. Les performances s'en ressentent : la Pilcar réussit à dépasser légèrement les 100 km/h, mais sa vitesse de croisière est plutôt de l'ordre de 80 km/h (rappelons qu'elle ne développe que 23 cv, soit la puissance d'une 2cv de l'époque !). Pour la recharge, rien de plus simple : il suffit de brancher la voiture au secteur et d'attendre environ 8 heures.

Comment montrer que la Pilcar répond aux attentes quotidiennes en ville (photographie du dossier de presse de février 1977).

Pilcar devient Carville

A partir de mars 1979, la Pilcar change de nom et devient Carville. Quelques modifications apparaissent, surtout au niveau des feux arrière, mieux intégrés. La voiture monte en gamme. La voiture était garantie un an ou 20000 km. Sbarro n'assurait que la construction. Sur ses prospectus de l'époque, on peut lire qu'il faut s'adresser à la Société Romande d’Électricité pour une commande. Le prix en 1977 était de 16000 francs suisses. La production cessera en 1980.

La Carville est bien plus luxueuse à l'intérieur que la plupart des voitures contemporaines.

La Pilcar-Carville n'a pas révolutionné l'automobile électrique. Elle a depuis longtemps été oubliée. Peut-être à cause des solutions techniques employées très classiques. Pourtant la mise au point et la fiabilité semblent sérieuses. Peut-être était-elle inadaptée à son époque ? Trop tôt et pas assez connue. C'est en tous cas une petite automobile sympa qui montre que Sbarro faisait déjà preuve de curiosité pour des solutions peu communes, comme l'électricité dans ce cas précis.

Ce qu'en a dit la presse de l'époque

Extrait de L'Autojournal n°18 du 15 octobre 1977.

"Avec le prix du pétrole qui monte à la vitesse d'un ascenseur emballé, on en oublierait presque les maux de la vie courante. Dieu merci, notre bon Bureau des Économies d'énergies fait tout ce qu'il peut pour nos biens et nos portefeuilles. Par ailleurs, des recherches tout azimut ont lieu dans le monde entier et l'on a vu récemment que malgré les réticences des pouvoirs publics un inventeur français avait mis au point un carburant révolutionnaire à base de fines herbes et autres déchets urbains.
Mais la batterie, cette bonne vieille chose qui réalisait déjà des exploits avant 1900, que devient-elle ? Pas grand-chose à vrai dire. Une sorte de situation stable qui n'en finit pas d'être mais qui pourrait d'après M. William Ylvisaker, P.-D.G. de la Gould lnc. donner d'excellents résultats d'ici cinq ans. Il s'agirait d'accumulateurs au nickel-zinc permettant à un véhicule de rouler à 96 km/h pendant 200 km. Mieux, une autre génération d'accus au "Lithium métal sulfide" autoriserait un rayon d'action de l'ordre de 300 km dans les années 80. Mais tout cela n'en est qu'au stade expérimental et coûterait encore très cher. Il faudra donc se contenter pendant un bon bout de temps de ces vieilles batteries pour qu'une automobile se déplace électriquement.
C'est le cas de la toute nouvelle Pilcar conçue en ce qui concerne la propulsion par la Société suisse Pilcar, du châssis, de la caisse et des différents aménagements par une autre société suisse : Sbarro.
Il s'agit véritablement d'une petite voiture à quatre roues (il faut le préciser, car trop de véhicules électriques ressemblent à des chariots élévateurs ou à des brouettes modifiées). Le châssis tubulaire est constitué de deux grosses poutres latérales noyées dans la caisse en fibre de verre ; malgré son poids de 1100 kg, la rigidité est absolue. La voiture est une deux portes, et son habitabilité prévoit quatre adultes. Au niveau mécanique, on trouve quatre roues indépendantes avec ressorts hélicoïdaux et amortisseurs intégrés, deux freins à disques à l'avant et tambours à l'arrière, une direction à crémaillère (Opel) et des roues de 13 v 15.
La propulsion est très classiquement assurée à l'arrière par un moteur électrique de 84 volts accouplé à une transmission Variomatic. En fait, toute l'astuce provient des 14 batteries réparties près du moteur et au centre de la voiture. L'essai nous dira que ces 14 batteries autorisent de bonnes performances ; en contrepartie, le poids est énorme puisqu'à elles seules, elles l'augmentent de 550 kg. Muni de cette masse, le moteur possède un couple honnête à 3000 tr/mn et Ia puissance correspond à 21 ch DlN à 4500 tr/mn.
Dès les manœuvres sur place, on sent la lourdeur du train avant qui supporte 500 kg. Aux premiers tours de roues, cette inertie s'estompe et la voiture prend rapidement de la vitesse. Sans être à fond, le compteur indique aussitôt 80 km/h, le maximum se situant à 105 km/h. Ce chiffre est d'autant plus louable qu'on peut le maintenir pendant plusieurs dizaines de kilomètres. Après 80 km d'un parcours comprenant de la route, de la montagne et un peu de ville, la puissance diminue légèrement, de l'ordre de 20 %. En d'autres termes, la Pilcar parcourt sans "ravitailler" 80 km au maximum de ses possibilités avec quatre personnes à bord, et plus de 100 km en conditions moins sévères. Il est évident que cette autonomie exceptionnelle est due au nombre important des batteries ; en revanche, leur poids limite les accélérations et détruit une certaine combativité. En ce domaine, pas de miracle. Encore que la tenue de route soit parfaite avec un léger sur-virage en conduite limite et des freins puissants.
Le moteur étant pourvu d'un chargeur et d'un limiteur de charge (30 ampères), il suffit de tirer une prise et de la brancher n'importe où pour repartir, le plein des batteries est fait, après 7 à 8 heures de charge. Rien de mystérieux dans cette voiture de 3,06 mètres de long, rien qui bouleverse la science des batteries.
Néanmoins, la conception intelligente de cette voiture appliquée à une autonomie dépassant en ville les 100 km fait de la Pilcar une véritable voiture urbaine dont les qualités sont le confort, la maniabilité (diamètre de braquage : 7 mètres), le silence. Reste la magie de l'électricité qui dans le cas présent n'est pas un mot furtif qui disparaît aussi rapidement que les ampères."


https://www.rts.ch/archives/tv/information/un-jour-une-heure/11139917-la-pilcar.html

En bref
1- L'esprit d'innovation de Sbarro le conduit à s'intéresser à la voiture électrique dès 1978
2- Moins de trente exemplaires
3- Sortie quarante ans trop tôt ?
Principales sources
1-
magazine Auto Journal n°18 du 15 octobre 1977
2-  ancien site de l'école Espera de Pontarlier, consulté et archivé par mes soins en 2009
3-  magazine L'Automobile magazine encart spécial Sbarro 1985 / Auto Journal spécial salon 77 et 78
4-  magazines Auto Journal spécial salon 77 et spécial salon 78