Sbarro Challenge - 1985

Au salon de Genève 1985, Sbarro a étonné tous les visiteurs avec celle qui reste la plus surprenante des voitures conçues par le constructeur suisse : la Challenge.

La première Challenge, blanc nacré. Photographie officielle de Peter Vann pour la promotion de la voiture.

Oser le monocorps

Le projet et son étude ont été financés par Joseph E. Adjadj, homme d'affaire saoudien qui avait commandé à Sbarro la Cadillac Function car. Sans ce financement, Franco Sbarro n'aurait pas pu se lancer dans ce projet hors norme.
La ligne de la Challenge est si personnelle qu'elle ne ressemble à rien de connu jusqu'alors. C'est un véritable tour de force qu'a réussi Sbarro en créant une ligne monocorps, en forme de coin. Si inhabituelle et si simple pourtant. Elle rompait totalement avec les stéréotypes habituels de la production automobile de l'époque. Même aujourd'hui, le dessin de la Challenge reste actuel et innovant.

Quelques modifications sur cet exemplaire : un cache sur les roues arrière pour améliorer l'aérodynamisme, le bouclier avant et les phares sont différents, ainsi que la prise d'air du bas à l'arrière.

Aérodynamisme poussé

Les canons esthétiques étant propres à chacun, je vous laisse le soin d'apprécier (ou non) cette formidable automobile. Techniquement, sachez quand même que le Cx (coefficient de pénétration dans l'air) est égal à 0,26, ce qui en fait un des meilleurs de tous les temps. A titre de comparaison, une Porsche 928 contemporaine de la Sbarro avait un Cx de 0,34, une Opel Calibra, pourtant longtemps citée en exemple dans ce domaine, ne "faisait" que 0,29 ! Le pare-brise peut "glisser" vers l'avant et jouer le rôle d'un toit ouvrant. L'essuie-glace fonctionne par rotation, comme une hélice dont les pales seraient les balais.
L'avant semble plonger dans le bitume. Il s'agirait ici de la Challenge #7, une version à moteur Porsche, immatriculée en Espagne 
Sur le toit, en arrière du pare brise, deux ailerons rétractables jouent le rôle d'aérofreins. Vous aurez peut-être remarqué l'absence de rétroviseurs. Ceux-ci ont été remplacés par une caméra intégrée dans l'aile arrière gauche, laissant ainsi la carrosserie exempte de saillies non aérodynamiques. Les écrans, placés dans les portières, permettent aussi de regarder un film, puisque la voiture est équipée d'un magnétoscope (le seul moyen de regarder un film en dehors d'un cinéma en 1985).
La caméra qui remplace le rétroviseur, système inédit en 1985, est placée au dessus du feu arrière gauche.

Habitacle conventionnel

L'intérieur est très conventionnel. Trop peut-être si on le compare avec le style extérieur. Les sièges sont fixes et construits sur mesure pour chaque propriétaire. L'habitacle est entièrement recouvert de cuir Conolly (comme dans les Rolls-Royce et les Aston-Martin de l'époque), avec des placages en bois. Pour l'anecdote, le frein à main se situe en bas à gauche du siège conducteur.
Habitacle conventionnel pour la Challenge #1. Le tableau de bord est différent sur les versions à moteur Porsche.

Challenge 1

La mécanique sur les Challenge 1 produites en 1985 provient d'une Mercedes 500 : il s'agit d'un 8 cylindres en V, suralimenté par deux turbocompresseurs IHI, et développant 350 chevaux. La boîte automatique provient d'une Jeep Cherokee. Une telle puissance associée à un aérodynamisme étudié permettait de dépasser 300 km/h.
Le plus innovant reste peut-être les quatre roues motrices, qui n'étaient pas courantes sur une voiture sportive en 1985. L'Audi Quattro avait ouvert la voie et la Porsche 959 sortira quelques mois plus tard. Ce système novateur en terme de tenue de route ne sera cependant pas monté sur toutes les Challenge.
La Challenge #1 à moteur Mercedes qui a été exposée à Genève en 1985

Challenge 2

En 1986, Sbarro expose au salon de Genève une version modifiée : la Challenge 2+2. Celle-ci se distingue de la précédente par l'adjonction de deux sièges supplémentaires et un tableau de bord modifié. Côté technique, le moteur est celui d'une Porsche 930 turbo, à savoir un 6 cylindre boxer de 300 chevaux. La voiture perd ses quatre roues motrices et devient une propulsion. la boîte de vitesse n'est plus automatique, mais manuelle à cinq rapports. Une Challenge 2 arbore une magnifique peinture en dégradé rouge à l'arrière, gris à l'avant, réalisé par Andréini qui avait déjà fait parler de lui sur la Sbarro Super Twelve.
La Challenge 2 à motuer Porsche, avec sa peinture en dégradé rouge-gris signée Andréini, auteur d'une peinture similaire sur la Super Twelve.

Challenge 3

En 1987, Sbarro expose la dernière de la lignée : la Challenge 3. Elle se distingue de la version précédente par son moteur, toujours d'origine Porsche 930 turbo, porté à 3,3 litres et développant 400 chevaux. Le prix de vente était alors de 320.000 francs suisses. Une somme bien coquette à l'époque.
La Challenge 3, châssis numéro 7, sur une plage espagnole.

Huit exemplaires

Franco Sbarro avait déclaré en 1985 que seules 10 Challenge seraient produites. En réalité, selon Fabian Sbarro dans son livre consacré à son père, huit exemplaires ont vu le jour. Je n'ai pas d'autres détails sur les chiffres de production.
Toujours d'après Fabian Sbarro, la première, la blanc nacrée qui a servi aux photographies de promotion avec le grand feu en arrière plan, a été livrée à Peter Kauss, un collectionneur allemand. La deuxième est restée en Suisse. Deux exemplaires, un rouge et un gris, sont partis chez un amateur japonais. La Challenge grise a été ensuite rachetée par Franco Sbarro.
Sur le web, on trouve beaucoup de photographies d'une Challenge espagnole, la 7e construite. Elle a un peinture grise aux reflets changeants difficile à définir.
Quant aux autres exemplaires, je n'ai trouve aucune information fiable.
Sachez que Sbarro, comme souvent, proposait aussi une Challenge-baby, version à échelle réduite pour les enfants. Faut-il en conclure que les clients de Sbarro sont restés de grands enfants ? J'espère que oui !
En bref
1- Une dessin monocorps unique et inédit, bouleversant les codes esthétiques de l'époque
2- Nombreuses innovations : quatre roues motrices, caméra, essuie-glaces...
3- Huit exemplaires seulement